Un rencontre au Mont-Ceint, près du col de Lhers, est prévue pour le 10 octobre prochain, en l’honneur de Jean-Marie Claustre et pour remettre en place un abri pour le cahier sur lequel les randonneurs peuvent écrire.
Pour situer le contexte et l’importance de ce site et l’action de Jean-Marie Claustre, pendant et après la guerre, nous vous conseillons la brochure d’Olivier et Suzel Nadouce. : Le Mont-Ceint
Voici un article de La Dépêche :
Foix. Jean-Marie, vigie de la montagne
A l’âge de 14 ans , Jean-Marie Claustre jouait le rôle de sentinelle pour prévenir les passeurs de la présence des patrouilles allemandes. Récit d’une solidarité.
Dans notre édition de jeudi dernier nous évoquions cette pancarte sur le Mont-Ceint qui témoigne de l’action d’un enfant du pays lors de la dernière guerre. Jean-Marie Claustre, berger alors âgé de 14 ans, surveillait les mouvements des patrouilles allemandes depuis le pic de Girantes. Un belvédère idéal pour contrôler d’en haut les chemins qui vont d’Auzat au port de Saleix, de Vicdessos au port de Lhers et d’Aulus à Coumebière. « C’est mon père qui m’avait demandé de faire le contrôle, précise Jean-Marie. Après je lui disais ce que j’avais vu, et le message passait chez les bergers. » Il ignorait alors que son père était en relation avec Jean Benazet, un passeur resté fameux. Il valait mieux ne pas savoir certaines choses en cas d’arrestation. La consigne c’était de voir s’il y avait des mouvements de soldats. S’il y avait un pépin il fallait dire qu’on cherchait des brebis égarées Jean-Marie monte à son poste pieds nus avec son ami Adrien Peyrat, aujourd’hui disparu. Un jour ils sont interpellés par deux
Allemands et un milicien français qui ne croit pas à la thèse des brebis. Ils redescendent vers une bergerie. Là, le berger confirme que les deux jeunes gens recherchent leurs brebis. Ouf ! cela passe pour cette fois. Mais les Allemands étaient toujours soupçonneux vis-à-vis des montagnards. Heureusement que la solidarité existe : sans les bergers, rien n’aurait été possible sur les chemins de la liberté. Lorsque la zone libre est effacée en novembre 1942. Les Allemands instaurent un corridor de 20 kilomètres de profondeur depuis la frontière espagnole dans le but de la rendre étanche, et cela tout le long des Pyrénées. Il y a des postes allemands à Seix, Aulus, Auzat, Tarascon, Vicdessos. Des patrouilles vont et viennent entre ces postes, et pas toujours à heures fixes. C’est là le danger pour les passeurs. Jean Benazet sera d’ailleurs pris mais réussira à s’échapper.
Jean-Marie et son père aident aussi les transfuges comme ils peuvent. « Un jour je montais au pic de l’Ane dans le brouillard, j’ai trouvé trois hommes sur le chemin, deux étaient à terre, épuisés. Je suis allé chercher mon père. On les a nourris avec du lait et des patates. On leur a donné une couverture. Le lendemain ils étaient partis » En septembre 1943 ils ont également caché des maquisards du hameau des Ezès (près du col de Port) qui étaient le point de départ de gens qui voulaient passer en Espagne. Le maquis avait été pris. Ils ont récupéré trois personnes qui s’étaient échappées. « Tous les deux jours on leur portait à manger ». Tout est clair dans la tête de cet alerte octogénaire.
Le souvenir est là ; dimanche il repart en montagne avec ses amis sur les lieux de cette histoire pas banale.
Les carnets de Jean-Marie
Plusieurs fois Jean-Marie est revenu sur le Mont -Ceint après la guerre. Il s’installa fermier à Montfa, puis au Carla-Bayle, enfin il fut ouvrier et exploitant agricole au Mas d’Azil. « Je travaillais toute la semaine et parfois jusqu’à deux heures du matin sur le tracteur, mais le dimanche c’était la montagne. » Sur sa montagne sacrée, à l’âge de 60 ans, il laisse un témoignage écrit de son rôle de vigie. Il souhaite aussi communiquer par amour de la montagne : dans un bocal attaché
à une barre scellée, le passant trouvera à sa disposition un carnet et des stylos pour s’exprimer. La pile de carnets est aujourd’hui imposante. On y lit par exemple : « Merci de ce que vous avez fait pour que nous puissions venir ici libres ». Sa petite fille y va aussi de ces quelques lignes : « Nous avons poussé au pic de Girantes, là où tu es passé à 14 ans, il y a de cela 67 ans, et pas les pieds nus non plus. Je suis avec toi Papi. » etc.
Ses amis Suzel et Olivier Nadouce, Jean Feix, en feront deux brochures « Le Mont-Ceint de Jean-Marie », à la gloire des passeurs de montagne. Un Sétois passionné de montagne, Francis Fontès tournera deux courts métrages disponibles en DVD : Piston, passeur de la liberté (il s’agit du nom de code Jean Benazet) et les carnets de Jean-Marie au Mont-Ceint.
Jean Martinet
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