L’appel lancé à Londres, sur les ondes de la BBC par un sous-secrétaire d’État français à la guerre, le général de Gaulle, est devenu non seulement un événement-phare de la Seconde guerre mondiale, mais une référence incontournable quand on évoque la résistance de la France à la défaite, à l’oppression, à l’invasion.
D’ailleurs, ce processus de commémoration de l’appel a commencé dès l’année suivante. Le 18 juin 1941, de Gaulle dans un discours date du 18 juin la naissance de la France libre.
Et depuis le 18 juin 2005, l’Appel est classé par l’Unesco sur le « Registre international Mémoire du monde ».
Mais que reste-t-il de cet événement et quelle place a-t-il eu sur le moment ? Répondre à ces deux questions permet de passer de la mémoire à l’histoire de l’événement, ce qui ne revient pas à nier ou à contester la charge émotionnelle qu’il porte.
Quelles sources : il n’y a pas eu d’enregistrement de ce discours. Aussi, quand, dans un documentaire, on entend de Gaulle parler, s’agit-il d’un enregistrement postérieur, en général de son discours du 22 juin. En effet, de Gaulle a réitéré son discours les jours suivants. Il a aussi fait imprimer un texte rappelant l’appel et appelant les Français à « s’unir [à lui] dans l’action, dans le sacrifice et dans l’espérance ». Ce texte intitulé « A tous les Français » illustre souvent l’appel du 18 juin, or il a été édité le 3 août.
Certes, l’esprit est le même, mais les textes sont différents, ce qui est bien naturel, étant donné les évolutions rapides de la situation et de la perception que de Gaulle en avait. Peu de gens ont entendu l’appel radiodiffusé, mais beaucoup ont appris son existence, voire son contenu par les journaux. Ci-dessous un article du Petit Provençal du 9 juin reproduisant le texte de l’appel.
En lisant ce texte, on remarque tout de suite qu’il n’invite pas à la Résistance tous les Français, il invite à le rejoindre les officiers, les soldats, les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique. C’est la première urgence : rassembler les militaires français présents en Angleterre. Cela ne fonctionnera d’ailleurs pas parfaitement, de nombreux militaires préférant rentrer en France.
Mais ce qui frappe dans ce texte, c’est surtout l’extraordinaire confiance dans l’avenir. D’une part, de Gaulle entretient avec la France une relation mystique qui lui fait dire : « La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ; » d’autre part, il est capable d’une analyse géostratégique impressionnante, certes logique après-coup mais que peu avaient alors : « Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. […] Foudroyés par une force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là ». De Gaulle, rappelons-le a anticipé très rapidement, dès 1940, l’attaque allemande sur l’URSS et l’entrée en guerre des États-Unis.
Le contexte : D’autres appels, d’autres refus de la défaite ont existé. Par exemple, le communiste Charles Tillon rédige un appel dès le 17 juin. L’analyse de ce texte dépasse le cadre de cet article. Mais le point commun qu’il a avec l’appel de de Gaulle est qu’il s’agit de réactions à un autre appel qui a été, lui, beaucoup plus entendu puisqu’il a été diffusé à la radio française par le chef de l’État. Il s’agit du discours du 17 juin du maréchal Pétain, dans lequel il disait « faire à la France don de sa personne » et annonçait la recherche d’un « moyen de mettre un terme aux hostilités ».
Ce discours a suscité des réactions de rejet, amenant certains à décider de rejoindre Londres et d’autres à s’opposer en France au gouvernement de Pétain. Parmi les premiers, citons Daniel Cordier, futur secrétaire de Jean Moulin et parmi les seconds, le députe ariégeois François Camel.
Ce n’est pas amoindrir la portée du geste gaullien que de rappeler que certains on résisté sans avoir entendu son Appel. On ne peut qu’admirer la fermeté dont il a fait preuve et son engagement total au service de la lutte de la France pour sa liberté et sa grandeur. Sans doute est-ce sa position forte et extérieure qui a rendu possibles deux réalités tout à fait étonnantes : l’unité de la Résistance intérieure, puis de celle-ci avec la France libre ; la présence dans les rangs des vainqueurs en 1945 d’un pays vaincu en 1940.